Lorsque le conservateur des domaines, Lucien Morilleau, meurt d’une hémorragie cérébrale, le 10 février 1907 – sans avoir
quitté l’île depuis 1859 –, sa femme Louisa
demeure à New House et assure
l’intérim de la conservation des domaines, le poste consulaire restant vacant.
Elle ne dispose comme revenu que de la pension militaire de son mari.
Soit 1.200 francs.
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Henri Roger (à droite, penché) en compagnie du Révérend Grant. Il s'agit là de la seule photographie d’Henri Roger que nous ayons à notre disposition. |
Le 27 janvier 1908, Henri Roger, le remplaçant de Morilleau nommé par Paris, arrive à Sainte-Hélène. Elle quitte l’île le 25 juillet 1908 pour rejoindre une de ses filles installée à East London en Afrique du sud dans la province du Cap.
À peine en poste, Henri
Roger reçoit lord Curzon qui
nous a laissé un récit de sa visite durant laquelle il rencontre le jeune
consul qui demeure à New House. Le conservateur s’avère être un piètre guide car dès le
début de la visite il confond l’ordre des pièces de la maison et de ce qui
constitue l’appartement de l’Empereur. Lord Curzon lui demande ses sources et
le consul, qui lui avoue ne rien connaître au sujet, lui demande – non sans
humour – s’il accepterait de le remplacer de façon permanente à son poste.
L’anglais finira la visite en se prêtant au jeu et en évoquant, avec un luxe de
détails, les longues heures de l’exil. Lord Curzon, qui avait accepté l’hospitalité
de Plantation House, identifiera ensuite la table de billard que Napoléon
utilisait à Longwood. Le
désintérêt du conservateur pour l’histoire de Napoléon sera même évoqué par les
quelques voyageurs français de passage sur l’île qui découvrent une maison
laissée à l’abandon dans laquelle traînent les différents outils et matériaux
de construction utilisés du temps de Morilleau. Pas une fois, il ne se référera
à l’histoire de Longwood House
et de Napoléon dans ses rapports dans lesquels il se contente de se plaindre de
la médiocrité de ses émoluments
,
de la difficulté qu’il a à vivre à Sainte-Hélène avec sa femme et ses huit
enfants, de son « état de débilité physique » et de la
« neurasthénie » de son épouse. Il se met en tête de vouloir convaincre
Paris de supprimer le poste de conservateur des domaines.
Afin d’être plus
convaincant, il précise dans chacune de ses dépêches adressées au ministre des
Affaires Étrangères que :
« [sa] mission est une mission de tout repos [et qu’il ne
peut] lui cacher que, par cela même, [il] s’achemine fatalement vers
l’abêtissement grâce à une vie inactive et solitaire [et qu’il détient],
de par le monde, le poste record de tout repos – même en y ajoutant à sa
fonction de Conservateur celle d’agent consulaire. [Dans ces conditions, il
peut donner son] humble avis sur l’opportunité de supprimer le poste de
conservateur à Sainte-Hélène. Le poste de conservateur de Longwood Old House et
du Val Napoléon n’est plus aujourd’hui d’aucune utilité. Un simple surveillant
et un ouvrier manœuvre peuvent garder et entretenir ces propriétés. »
Par contre, il ne manque pas de préciser que …
«
… si cependant quelques années passées dans l’exil de Ste
Hélène pouvaient compenser la perte de la santé par un gain pécuniaire
appréciable, il n’y aurait rien à dire [et ceci malgré l’]
insalubrité, [la]
tristesse [et la]
cherté de vie [qui]
règnent sur le rocher sur
lequel [on l’]
a envoyé.
»
Le ministère des Affaires Étrangères,
sensible à ses plaintes, lui offre, au mois de novembre 1912, l’agence
consulaire à
Garrucha en
Espagne. Cette destination déplaît à Roger qui décline l’offre car il
s’attendait à être muté à Paris. Par son refus, il n’a plus le choix et doit
demeurer à Sainte-Hélène sans qu’il comprenne le but d’une mission qui le
dépasse.
On comprend ainsi que des visiteurs nous laissent des témoignages
comme celui-ci :
«
Elle est longue et triste, cette correspondance des
consuls avec le département, de 1853 [sic]
à nos jours. Ce ne sont que plaintes toujours
renouvelées de consuls aigris, malades, sur l'insalubrité des lieux, le manque
de crédits, et fins de non-recevoir du ministère en France, pour qui cette île
sans agitation politique et sans activité diplomatique n'offre pas d'intérêt. »
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Photographie de Longwood House prise à l'occasion de la visite de lady Connaught |
Roger n’a pas compris
qu’un conservateur à Sainte-Hélène est, avant tout, en charge de l’entretien
des domaines et se doit de participer aux travaux. Il croit que, comme du temps
du premier Conservateur en titre, Gauthier de Rougemont, il n’est responsable que de l’accueil des visiteurs
qui deviennent très rares
.
Alors que Morilleau parvenait à maintenir la maison dans un état satisfaisant
avec presque rien, Henri Roger – tout en continuant de se plaindre qu’il n’a
absolument rien à faire et qu’il s’ennuie ferme – déclare pour justifier la
dégradation de Longwood House
qu’…
« …
une couche de peinture ne
consolide pas des poteaux pourris et quelques ardoises changées ou des
gouttières ressoudées ne rajeunissent pas une maison restaurée en 1859 et sur
laquelle des pluies torrentielles et des vents violents sévissent pendant
presque toute l’année. »
Après plusieurs années d’un tel désintérêt, la maison est en si
mauvais état que le gouvernement local décline poliment l’offre de Roger de
mettre Longwood House à la
disposition des rescapés du
Papanui qui a pris feu dans la rade de
Jamestown le 10 septembre 1911. Deux ans plus tard, le 3 novembre 1913, les
marins de la
Jeanne d’Arc découvrent Longwood House délabrée durant leur
escale à Sainte-Hélène. Sur l’initiative du capitaine de vaisseau Grasset, les
officiers, scandalisés par l’état des lieux, font un rapport suffisamment
convaincant
pour que la chambre des Députés vote, le 11 mars 1914, un crédit supplémentaire
de 20.000 francs pour l’entretien des domaines. Les travaux commencent le 8
avril 1915 et se terminent 29 avril 1916. La note est de 31.000 francs.
L’entreprise Solomon qui, une fois de plus, abuse de son monopole d’agent
maritime est responsable du dépassement de crédit en doublant les prix des
boiseries par rapport au devis initial. Le ministère des Affaires Étrangères
comble ce déficit en prélevant la somme sur son budget de fonctionnement.
Aussitôt les travaux achevés, Henri Roger demande sa mise en disponibilité en
France et qu’on veuille bien nommer son successeur le plus rapidement possible.
Le 4 octobre, Paris accepte et Roger recommande au ministère d’envoyer
« comme conservateur à Sainte-Hélène, un officier blessé ne pouvant plus
servir à l’armée
».
Le 6 novembre 1916, Roger remet au gardien de la Tombe, Bazett Legg, les titres
de propriétés et les archives des domaines. Il quitte l’île le 11 novembre.
Bazett Legg accepte de prendre en charge les pauvres collections des domaines
qui, suite à une demande de l’administration des Beaux-arts, avaient fait
l’objet d’un inventaire le 26 décembre 1913.
La réponse du conservateur se
passe de commentaire :
«
Les domaines français de
Sainte-Hélène ne possède à Longwood Old House qu’un buste de Napoléon 1er
(d’après Chaudet) livré directement et non prêté par l’administration des Beaux
Arts. »